Des chercheurs ont reproduit le mécanisme de l’autophagie stimulé par le jeûne intermittent. Ce processus qui élimine les déchets cellulaires et pourrait « nettoyer » les neurones des agrégats de protéines pathogènes dans des maladies neurodégénératives, perd en efficacité avec l’âge. En décryptant ce processus, il pourrait être envisagé de le stimuler et peut-être guérir ces maladies.
L’autophagie est une voie de recyclage cellulaire permettant aux cellules humaines de se débarrasser de leurs déchets. Elle a pour fonction essentielle de dégrader les composants cellulaires endommagés et/ou indésirables. Au cours de l’autophagie, les déchets cellulaires (organelles, agrégats protéiques, ribosomes, complexes multienzymatiques…) sont séquestrés dans des « autophagosomes », véritables sacs poubelle, puis transportés vers les lysosomes, sorte d’usine de traitement des déchets, pour la dégradation [1].
Des études antérieures ont suggéré que la protéine lysosomique TECPR1 coordonne les dernières étapes de l’autophagie en favorisant la fusion des autophagosomes avec les lysosomes [2].
L’autophagie occupe une position clé dans le catabolisme cellulaire et est interconnectée avec de nombreuses autres voies cellulaires. Un déclin et/ou un dysfonctionnement de l’autophagie se produisent au cours du vieillissement contribuant à l’apparition, dans la population âgée, de maladies, notamment le cancer, les maladies neuro dégénératives, les maladies métaboliques et immunitaires [1]
Le décryptage des mécanismes de l’autophagie pourrait permettre d’envisager une stimulation de ce processus et peut-être guérir, un jour, des pathologies, en particulier des maladies neurodégénératives dans lesquelles on observe la production d’agrégats de protéines autour des neurones. Mais, la manière dont les cellules produisent les autophagosomes, ces sacs poubelles, restait un mystère.
Autophagie et jeûne intermittent
L’équipe de chercheurs du laboratoire « Biochimie des membranes et transport» de l’Institut Pasteur a percé ce secret en reproduisant le mécanisme de l’autophagie stimulé par le jeûne intermittent[1, 3, 4]. L’autophagie ne dégrade pas seulement les déchets cytoplasmiques, elle dégrade également le matériel cytoplasmique dans les cellules en réponse au jeûne.
Les effets sur la santé du jeûne intermittent, caractérisé par des pauses de 12 à 16 heures entre les repas,sont largement étudiés. Plusieurs études suggèrent qu’il réduit le risque de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral et de cancer.Il pourrait même prolonger la durée de vie. Ces effets positifs sont liés à des processus biochimiques, dont l’autophagie, induits dans les cellules par la privation de nourriture [4, 5].
Dans leur étude [1, 3], les scientifiques font référence au jeûne intermittent 16/8 qui consiste à jeûner chaque jour durant 16 heures et à se nourrir durant une fenêtre de 8 heures. Toutefois, pour obtenir des effets positifs, ce régime alimentaire devrait être maintenu en permanence.
Les chercheurs ont utilisé deux approches différentes pour étudier l’autophagie : la première permettant de reconstituer la formation des autophagosomes in vitro dans un microtube à partir de composants purifiés, la deuxième combinant la biologie cellulaire, la biochimie, l’analyse biophysique et les études structurales dans des cellules en culture.
Les chercheurs ont découvert que les « cellules affamées » par le jeûne produisent un conteneur composé de protéines, qui forme une coque pour stabiliser la membrane. Dans le cas de l’autophagie, les « sacs poubelles » cellulaires ont la forme d’un bol, ce qui leur permet de collecter et d’enfermer les déchets. La formation de ces bols membranaires dépend d’un échafaudage protéique qui s’assemble à la surface de la membrane.
Les chercheurs « ont identifié les éléments de l’échafaudage et décodé la manière dont ils sont assemblés pour reproduire les sacs poubelles cellulaires ». Ils ont pu reconstruire des sac poubelles cellulaires in vitro et ont révélé « la structure et la fonction des composants de l’échafaudage protéique qui forme la poubelle ».
Autophagie et maladies neurodégénératives
De nombreuses maladies neurodégénératives peuvent être liées à une autophagie altérée qui provoque une accumulation d’agrégats de protéines, dont, par exemple, l’alpha-synucléine et Tau dans les maladies d’Alzheimer et de Parkinson [6].
Les chercheurs de l’Institut Pasteur ont montré que cette autophagie altérée pouvait être inversée. Ils ont identifié une voie de l’autophagie spécialisée, l’aggréphagie, qui, en dégradant les agrégats de protéines dans les cellules neurales, contrecarre la neurodégénérescence en protégeant les cellules neurales de la cytotoxicité et de la mort cellulaire. Ils ont montré que les autophagosomes qui transportent les agrégats de protéines vers les lysosomes possèdent une petite protéine semblable à l’ubiquitine, la LC3C qui fournit une identité à ces autophagosomes.
La destination des autophagosomes marqués LC3C est définie par le TECPR1 lysosomal. Ainsi TECPR1 interagit sélectivement avec LC3C pour recruter des agrégats de protéines contenant des autophagosomes [3].
Pour les auteurs, si les niveaux de protéines TECPR1 dans les cellules neurales étaient restaurés, l’activité autophagique dans ces cellules serait augmentée et conduirait à une meilleure élimination des agrégats de protéines, protégeant les cellules neurales de la cytotoxicité et de la mort cellulaire. « Nos résultats démontrent que la neurodégénérescence peut être traitée en augmentant sélectivement les niveaux de TECPR1 ».
Conclusion des auteurs : envisager la guérison des maladies liées à l’âge
Selon l’équipe de recherche de l’Institut Pasteur :« Notre découverte ouvre la voie à l’identification de médicaments qui activent l’autophagie en induisant la formation de sacs poubelles». Les chercheurs espèrent « utiliser des médicaments pour traiter des patients souffrant des maladies d’Alzheimer ou de Parkinson ».
References
[1] https://research.pasteur.fr/fr/team/membrane-biochemistry-and-transport/
[2] Wetzel, L., Blanchard, S., Rama, S. et al. TECPR1 promotes aggrephagy by direct recruitment of LC3C autophagosomes to lysosomes. Nat Commun 11, 2993 (2020). https://doi.org/10.1038/s41467-020-16689-5
[3] Mohan, J., Moparthi, S.B., Girard-Blanc, C. et al.ATG16L1 induces the formation of phagophore-like membrane cups. Nat Struct Mol Biol (2024). https://doi.org/10.1038/s41594-024-01300-y
[5] Vasim I, Majeed CN, DeBoer MD. Intermittent Fasting and Metabolic Health. Nutrients. 2022 Jan 31;14(3):631. doi: 10.3390/nu14030631.
[6] Dong H, Wang S, Hu C, et al. Neuroprotective effects of intermittent fasting in the aging brain. Ann Nutr Metab. 2024 Apr 17. doi: 10.1159/000538782.